SOA Architectes : Architecture et Urbanisme Agricole

Capital Agricole

Chantiers pour une ville cultivée, exposition du 2 Octobre 2018 au 17 Février 2019

Pavillon de l'Arsenal, 21 Bvd Morland, 75004 Paris

CAPITAL AGRICOLE

Augustin Rosenstiehl / SOA,

Architecte, commissaire scientifique invité

 

Notre entrée dans le troisième millénaire est un défi écologique. La crise environnementale que nous traversons met non seulement à l’épreuve notre enthousiasme et notre espoir de léguer aux futures générations un monde qui soit tout simplement habitable, mais ébranle également la conviction selon laquelle nous mettons collectivement tout en oeuvre pour y parvenir. Il y a d’un côté ceux qui annoncent la fin de notre civilisation et, à l’extrême opposé, ceux qui ont choisi d’être dans le déni et proposent de continuer à faire comme d’habitude. Entre les deux, la communauté scientifique internationale compétente s’accorde à dire que l’activité humaine impacte fortement l’équilibre de la planète. Si nous sommes capables de dérégler les équilibres terrestres (par exemple celui des sols immergés, dont plus de la moitié sont dégradés1 par nos activités), peut-être sommes-nous à même de participer à les rétablir ?

 

Une chose est certaine : quoi que nous fassions, nos actions se répercutent désormais à grande échelle ! Cette même échelle qu’aborde l’urbanisme moderne et qui dépasse largement le cadre de la ville pour aménager finalement l’ensemble des fonctions sur le territoire : aménager l’Urbain et ses activités, mais aussi l’Agriculture et la Nature.

 

Face à la crise écologique, il semble qu’un consensus tacite existe pour défendre l’idée d’un urbanisme plus proche de la Nature qui produirait des villes vertes, comme si le fait d’engager une sorte de fusion entre l’Urbain et la Nature constituait une solution pour retrouver un équilibre durable.
Mais avons-nous seulement les bonnes cartes en main pour agir? L’Urbain, la Nature et l’Agriculture, tels que le XXe siècle nous les a légués, sont-ils à même de nous sortir de cette crise? Chacun de ces concepts ne doit-il pas, aujourd’hui, être repensé?

 

• N’est-il pas nécessaire de dépasser les fondements de l’Urbanisme moderne, qui se traduit partout par une séparation fonctionnelle – ici l’habitat, là l’industrie, ici l’agriculture, là la nature, ici les commerces, là les bureaux –, pour mieux imbriquer ces fonctions les unes avec les autres?

 

• Qu’est-ce que cette Nature à laquelle il serait soudainement si crucial de faire place parmi nos constructions pour enrayer la chute massive du vivant ? Est-ce celle des espaces verts, des pelouses, des parterres fleuris ou des murs végétalisés, cette Nature de loisir et d’ornementation ? Ou devrions-nous rétrocéder une partie de notre territoire à une Nature sauvage qui serait libérée de notre présence?

 

• L’Agriculture actuelle, dont nous exigeons une production alimentaire maximale mais que nous pratiquons loin de toute vie collective et que nous reconnaissons être un des secteurs d’activité les plus polluants, est-elle devenue étrangère à la Nature?

 

L’ouvrage Capital Agricole se propose d’approfondir ces questions en observant la ville, son histoire et son devenir sous le prisme agricole. Si l’enjeu de notre avenir réside dans une meilleure cohabitation du vivant au sein de nos multiples activités, il semble qu’il nous faille rembobiner le fil d’Ariane, revenir sur nos pas, et explorer une nouvelle direction.
En prenant le cas concret de l’Île-de-France et en observant l’évolution des emprises de la ville, des cultures et de la Nature depuis un siècle, nous constatons sans surprise une diminution de la moitié des sols agricoles. Mais beaucoup plus surprenante s’avère l’augmentation considérable des espaces de Nature. Car si leur emprise a presque doublé en cent ans, comment expliquer que l’on assiste dans le même laps de temps à une telle chute de la biomasse et de la biodiversité ? Qu’est-ce donc que cette Nature dont l’emprise augmente et la substance diminue ? Où logeaient la faune et la flore il y a un siècle, dans ce territoire qui était essentiel-lement cultivé ? Faut-il chercher dans le périmètre des espaces forestiers, dans les champs, dans la ville, ou simplement dans l’architecture complexe de leur imbrication ? Faut-il considérer le demi-million de paysans franciliens qui façonnaient l’ensemble du territoire, cultivaient, cons-truisaient, régulaient le vivant, et qui ne sont aujourd’hui plus que cinq mille, affairés à produire une alimentation de masse?

 

 

Les états de PROMISCUITÉ, autrefois, ZONAGE, hier et FACE-À-FACE, aujourd’hui mettent en relief la façon dont l’Agriculture s’est vue, en l’espace de seulement trois générations, amputée de son rapport étroit à la Nature et de sa fonction régulatrice du vivant, tandis que ses acteurs, son architecture et ses paysages ont été commis hors du destin idéal de la ville, hors de l’urbanité. En restreignant le monde agricole à une fonction exclusive de production alimentaire, n’avons-nous pas perdu au passage une fonction essentielle : l’art de transformer la Nature, d’y façonner des paysages habitables de manière à s’en nourrir tout en veillant à y maintenir nos colocataires, faune et flore?
En parallèle de cette mutation historique du monde moderne vers une réalité globale, de nombreux architectes précurseurs se sont saisis de la question agricole pour rebattre les cartes et proposer d’autres projets-monde comme autant d’UTOPIES.
Enfin, puisque le nouvel ordre climatique et la question d’un accès au sol pour tous nous invitent aujourd’hui à une nouvelle forme de PARTAGE, c’est collectivement que l’on doit valoriser la métropole et le monde agricole francilien pris ensemble. Sur les bases d’un travail pluridisciplinaire, agriculteurs, architectes, artistes, promoteurs, entrepreneurs, apiculteurs, écologues proposent de changer de point de vue sur le territoire, passant du zonage et de la prescription cartographique réglementaire à un ensemble de chantiers qui abordent les quartiers existants et les espaces cultivés selon leurs spécificités et les potentialités de leurs sols.

 

Le chantier d’une telle métropole agricole s’envisage à travers de nouvelles filières, embryonnaires pour certaines, croisant les métiers de l’agriculture et de l’urbain, comme une manière inédite de façonner le paysage, l’architecture et ses programmations : à partir des fermes existantes et à créer, se structure un réseau de nouvelles centralités civiques à l’échelle métropolitaine.

 

Plutôt que de « naturaliser la société », il s’agit d’élargir l’horizon de notre vie et de notre monde, « d’expérimenter de nouveaux modes pour faire exister de nouvelles formes de vie, de rechercher plus de vie » (2).
Contribuer à réenraciner les innombrables lieux diffus de l’agglomération parisienne, redonner de la force aux sols d’Île-de-France, renforcer l’attractivité de ses paysages (3), c’est l’ambition de Capital Agricole, qui pour cela déterre le lien essentiel entre « l’habité » et « le cultivé », et nous emmène vers un URBANISME AGRICOLE.

 

1. Voir Simon Roger, « La moitié des terres dans le monde sont dégradées », Le Monde, 4 juillet 2018.
2. Comme nous y invite Serge Moscovici à travers ses oeuvres consacrées à la dimension humaine de la nature, ici dans Réenchanter la nature. Entretiens avec Pascal Dibie, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2002.
3. Alors que les Franciliens sont propriétaires d’un peu plus de 30 % des résidences secondaires du pays, on ne compte que 13 000 maisons individuelles secondaires en Île-de-France, soit une sur cent quarante-cinq en France. Source Insee, SOeS, Estimation annuelle du parc de logements au 1er janvier 2016.

 

L'APOGEE DU MONDE RURAL , 1870 - 1930

À la fin du XIXe siècle, la poussée démographique et l’exode rural font émerger en Île-de-France deux formes de paysages agricoles : les traditionnels plateaux céréaliers désormais saturés et les plaines et vallées de la banlieue de Paris, investies par des fils d’ouvriers ou de paysans immigrés d’ici et d’ailleurs, qui, sur des parcelles très en deçà des standards agricoles, développent l’agriculture horticole la plus savante de l’Histoire.

 

Dans ce paysage agricole, la Nature est « ce qui reste » : un bien essentiellement commun – même si la plupart des forêts sont privées –, une ressource complé-mentaire pour beaucoup, non cultivée mais exploitée. Bûcherons et fagotiers y croisent débardeurs et charretiers ; les bois, prairies, marais sont en permanence régulés. Tous ces espaces abritent des activités de la paysannerie : cueillette, chasse, pêche. Le moindre plan d’eau, le moindre bosquet est une source alimentaire possible.

 

Ces imbrications font de l’agriculture, de la nature mais aussi de la ville un milieu continu. Paris est un ventre vorace aux besoins toujours croissants. Demandeur d’agricole, l’urbain assure les lieux de transformation – abattoirs, tanneries, moulins… – et abrite même 80 000 chevaux et 5 000 vaches ! Les Halles synthétisent ce foisonnement : on y réclame les carottes de Croissy, le cresson de Marly, les haricots d’Arpajon. Les cultivateurs remportent des immondices de toutes sortes pour enrichir les terres de banlieue. Ces spécialistes, avec leurs innombrables bâtiments, leurs infrastructures et leur découpage parcellaire, vont inventer avant l’heure une forme « d’urbanisme » exemplaire, qui apparaîtra de façon spontanée vers 1870 mais sera éradiquée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

La campagne, un territoire hybride
Des champs habités
Une campagne peuplée
Une campagne industrielle
Des fermes imbriquées
Des transports agricoles et urbains
LA NATURE, un milieu exploité
La culture du bois
L'habitat forestier
La chasse et la pêche
La cueillette et les petites tâches
LA VILLE, un organisme foisonnant et insalubre
La transformation et le stockage
Le recyclage
Productions : légumes
Productions : Fruits, fleurs, pépinères et graines
Productions : Champignons, Laitiers et élevage
Productions : champignons, laitiers et élevage

L'IDEAL URBAIN, depuis 1930

L’après-guerre amorce une métamorphose de la banlieue agricole. Mis en pratique sous l’impulsion de la Chartes d’Athènes (1933) et de la pensée de l’architecte Le Corbusier, l’urbanisme moderne va réorganiser les paysages et la vie des hommes. Les cultures spéciales sont alors considérées comme des reliquats archaïques d’un monde fini. Alors que certains y reconnaissent un modèle urbain et agricole prometteur, le général de Gaulle s’écrie : « Cette banlieue parisienne, on ne sait pas ce que c’est ! Mettez-moi de l’ordre dans ce bordel ! »

 

Une première vague massive d’urbanisation de grands ensembles est lancée autour de 1950 afin de résoudre crise du logement et insalubrité. Mais, pour compenser le manque d’équipements, coûteux, les villes-dortoirs sont accompagnées d’une nouvelle forme de nature : les espaces verts. Bases de loisirs et autres aires de jeux et de santé envahissent des pans entiers des cultures spéciales.
La seconde vague est menée par Valéry Giscard d’Estaing : « La France de propriétaires » entraîne la prolifération soudaine de pavillons dont les jardins, ultime forme de nature, se substituent aux dernières parcelles cultivées.

 

Dès 1962, la Politique agricole commune entreprend de faire de l’Europe le premier exportateur agricole. Les terres franciliennes sont dédiées à une culture céréalière exportatrice pour un grenier mondial. La politique du remembrement procède à la refonte des multiples parcelles en immenses champs qui rentabilisent le travail mécanisé. Les bosquets, arbres, haies, trognes et, avec eux, chemins, abris, huttes, habitations et petits bâtis agricoles sont désintégrés. En à peine trois générations, l’épisode de la reconstruction moderne a non seulement amputé le monde agricole de sa fonction régulatrice du milieu vivant, mais encore de son urbanité, le commettant hors du destin idéal de la ville.
La loi d’orientation foncière consacre en 1967 cette séparation en créant les zones réglementaires, encore aujourd’hui profondément ancrées dans nos esprits : agricole (A), urbaine (U) et de nature (N).

Sources: IGN / IAU idF, d'après cartes 1889-1901
1900 / Emprises bâties
Sources: IAU idF, 2012
Aujourd'hui / Emprises bâties
Sources: IGN / IAU idF, d'après cartes 1889-1901
1900 / Emprises de nature
Sources: IAU idF, 2012
Aujourd'hui / Emprises de Nature
Sources: IGN / IAU idF, Apur, d'après cartes 1889-1901
1900 / Emprises Agricoles
Sources: IAU idF, 2012
Aujourd'hui / Emprises Agricoles

VISIONS RADICALES, 1930 - 2016

OEuvre du poète irlandais Thomas More, Utopia met en scène une société qui répond à un problème apparu en Angleterre au XVIe siècle, l’épisode des « enclosures » : des comtés passant d’un régime agricole communautaire à un système de propriétés privées qui lèsent le monde paysan. C’est de l’agriculture et de son usage commun que naît donc la première utopie.
Plus tard, l’humanisme sera à l’origine de l’utopie architecturale, cette fois ancrée dans la réalité. Au XIXe siècle, le principe du phalanstère de Charles Fourier assure une vie harmonieuse aux travailleurs et à leurs familles, comme à « La Colonie sociétaire », dans les Yvelines, projet ayant pour base une colonisation de la terre.

 

Puis l’urbanisme moderne engendre une pensée hors-sol qui mène à la mondia-lisation. Pour les nouveaux utopistes, le monde est une architecture en soi et l’utopie sans lieu devient un super-lieu. Le concept d’anthropocène révèle que l’activité humaine est une contrainte géologique déterminante. Une idéologie défend la planète comme un contenant limité, l’autre comme un contenant infini.

 

Ainsi, Broadacre City (1930) de Frank Lloyd Wright joint urbain, agricole et nature en une parcelle familiale d’une acre dans un continuum couvrant les États-Unis et fixant un numerus clausus d’habitants. La Ferme radieuse (1935) de Le Corbusier, optimisée, cloisonnée et coupée du monde urbain, consigne la place de l’agriculture. De même, le master plan New Corktown (2016) d’Albert Pope et Jesús Vassallo imagine d’immenses parcelles de sylviculture imbriquées entre des immeubles géants en bois, afin de réduire l’empreinte carbone de la ville de demain. Tandis que le projet Agricultural City (1960) de l’architecte japonais Kisho Kurokawa superpose la ville au-dessus des champs ; tout comme Oswald Mathias Ungers et Rem Koolhaas qui, associés à leur collectif, proposent « Berlin, archipel vert » (1977), une infinité de compositions imbriquant agriculture et nature parmi les îlots préservés d’une ville en ruines. Une hybridation qu’Andrea Branzi pousse à son paroxysme avec Agronica (1995), dispositif continu d’unités agricoles et urbaines prises dans un mouvement perpétuel.
Habiter et cultiver sont issus d’un même verbe latin : colere.

FRANCK LLOYD WRIGHT _ 1930 Broadacre City L'habitat, l'agriculture et la nature sont redistribués sur chaque parcelle familiale, petites unités d'une acre. Quelques grandes parcelles sont reservées aux équipements qui assurent les fonctions collectives. @The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence.
LE CORBUSIER _ 1935 La ferme radieuse et le village coopératif Chaque village coopératif (point blanc) relie quelques fermes radieuses (point noir). Si chaque village est directement relié à la ville par la route, ils ne sont pas reliés entre eux.
YONA FRIEDMAN _ 1976 Comment habiter la terre ? La relation ville-agriculture est repensée dans un souci de partage à l'échelle planétaire : une agriculture proche de la nature dans les zones tempérées, l'urbain dans les zones chaudes. @chapitre 10 "réorganiser la Terre" in Yona Friedman, Comment habiter la Terre, 1976.
ANDREA BRANZI _ 1995 Agronica Les fonctions agricoles, urbaines et naturelles sont étroitement imbriquées à petite échelle pour former un dispositif continu et mouvant. @Studio Branzi
ALBERT POPE _ 2016 New Corktown La ville est entièrement rebâtie en bois et les espaces libres de construction sont dédiés à la sylviculture. @Albert Pope

LA NATURE EN CRISE, aujourd'hui

Face à la nouvelle crise environnementale, la tendance moderne est à la sanctuarisation de la nature en vue de la préserver des actions humaines, dépossédant ainsi le monde agricole qui, depuis toujours, négociait les ressources grâce à sa connaissance profonde du vivant. Les urbains, devenus majoritaires, ont repris le flambeau, armés des nouvelles technologies mais dépourvus des savoirs ancestraux.Par bonheur, hors cadre, des pionniers retissent les liens disparus. L’artiste Sylvain Gouraud, parti à la rencontre de ces nouveaux terriens d’Île-de-France, retrace les interactions propres aux mondes qu’ils habitent, faisant ainsi émerger les problématiques depuis le terrain et sans a priori. Sa démarche intimiste nous permet de saisir la complexité des usages de la nature sans passer par le prisme moderne qui oppose Nature et Culture. Les murs bétonnés d’un parking souter-rain sont propices à la culture des champignons et les pelouses des supermarchés
idéales pour le pâturage des brebis. Tandis que le modèle producteur /consommateur est repensé avec le système des Amap, les pleurotes atténuent la pollution des sols de la ceinture parisienne.

 

« Les femmes y sont sous-représentées en proportion de leur investissement dans notre resensibilisation au vivant, je regrette de n’avoir pas su trouver les mots justes pour les convaincre d’afficher leur place. L’autre écueil vient du fait que ces propositions se heurtent quasiment toutes à la légalité. Souvent tolérées par les instances publiques car évidemment bénéfiques socialement, elles n’existent que par la conviction de leurs auteurs. Un long travail de négociation politique, au sens noble du terme, reste à réaliser pour instituer ces zones hors structure susceptibles de faire émerger les solutions de demain. À cette fin, doivent être mis autour de la table les acteurs, les citoyens, les décideurs… et les artistes. »
Sylvain Gouraud

FERME SAPOUSSE Florent Sebban et Sylvie Guillaut, Pussay, Essonne. Ferme installée en 2011 en Bio sur 4,7 ha Cultures : Maraîchage et plantes aromatiques @Sylvain Gouraud
FERME DES BEURRERIES Marie-Hélène et Damien Bignon, Feucherolles (près de Versailles). Ferme familiale en bio sur 170 ha. Cultures: céréales et légumineuses (épeautre, blé, tritical, maïs, luzerne, feverolles, lentilles) Elevage: 3 000 poules pondeuses @Sylvain Gouraud
PEPINIERES CHATELAIN Laurent Chatelain, Le thillay, Val d'Oise. Ferme familiale reprise en 2011 par le fils Laurent sur 300 ha. Cultures : céréales et arbres @Sylvain Gouraud
CYCLOPONICS Théophile Champagnat et Jean-Noël Gertz, Paris 18e Ferme installée en 2017 en bio sur 2 900m² de parking sous terrain Cultures : Champignons et endives @Sylvain Gouraud
LA FERME URBAINE DE SAINT-DENIS Jeanne Crombez et Franck Ponthier, Saint-Denis, Seine-Saint-Denis. Ferme familiale léguée par M. Kersanté sur 3,7 ha. Partie en permaculture : maraîchage @Sylvain Gouraud
LA FERME URBAINE DE SAINT-DENIS
CLINAMEN & BERGERS URBAINS Julie Lou Dubreuilh, Guillaume Leterrier, Pauline Maraninchi. La Courneuve, Seine-Saint-Denis, Ferme urbain d'élevage de moutons. Transhumances à Saint-Denis, Aubervilliers, La Courneuve. Elevage : bleu du Maine, Ile-de-France, Charmoise @Sylvain Gouraud
VENI VERDI Nadine Lahoud, Différents établissements scolaires dans Paris Cultures : Maraîchage sur les toits des écoles

L'URBANISME AGRICOLE, demain

Partir de l’existant, c’est partir des zones urbaines homogènes. Les grands ensembles sont largement dotés en sols : une activité agricole intensive peut-elle les enrichir ? Les zones d’activités inhabitées, archidépendantes de la voiture, occupent d’immenses espaces stagnants : ceux-ci peuvent-ils être cultivés et dédiés à la transformation des récoltes ? Les innombrables jardins fermés des zones pavillonnaires pourraient-ils, à l’inverse du mouvement des « enclosures », offrir un rhizome continu de sentiers et de cultures ? Et les espaces agricoles eux-mêmes, ne sont-ils pas susceptibles d’accueillir de l’habitat ?

 

 

La ferme est le pivot de cette transformation. Elle peut demain restructurer un réseau vicinal et un espace public, relier la ville aux champs et assurer une fluidité entre Paris et l’Île-de-France. Son architecture et sa programmation doivent apparaître dans sa forme et rassembler les fonctions d’un centre-ville, à l’instar des centres commerciaux actuels.

 

 

Dans cette perspective, Pierre et Rémi Janin, architectes, paysagistes et éleveurs, pionniers de l’urbanisme agricole, nous montrent comment retrouver les sols d’Île-de-France et imaginent une typologie de fermes, neuves ou réhabilitées. Les Fermes de Gally, acteur majeur des innovations horticoles, ouvrent les pistes transversales de la valorisation des déchets urbains et de l’énergie fatale de la ville, mais aussi de sa dépollution, et s’attachent à la problématique centrale de l’enseignement et de l’apprentissage. L’écologue Florent Yvert propose de cultiver les espèces « sauvages » et de penser l’architecture de l’habitat et de la mobilité animale. Hugo Christy et Paul Jarquin, promoteurs de constructions exclusivement en bois, envisagent la part sylvicole déterminante dans la réalisation de bâtiments et d’infrastructures. Enfin, Olivier Darné, apiculteur artiste, rappelle et traite de la place essentielle de l’abeille. Autrement dit, tous envisagent un accès général à la culture !

RETROUVER LES SOLS

 

Pierre Janin, Architecte – Master 2 Philosophie, FABRIQUES Architectures Paysages, Architecte Conseil de l’Etat

 

La reconsidération du sol et l’attribution nécessaire d’une valeur d’usage agricole et nourricière engagent à requalifier tous les espaces en portant une attention nouvelle aux lieux. Du croisement entre pratiques urbaines et agricoles émergent des potentiels, des espaces plurifonctionnels développant aussi des ressources complémentaires.

 

Les espaces urbains deviennent alors des lieux d’échange qui accueillent des agricultures modulées. Chacun peut aussi devenir un agriculteur temporaire, polyvalent, investi dans une capacité productive alimentaire commune, qui permet de prendre en considération l’importance du vivant. Dans les territoires périurbains, l’activité agricole permet également de donner un usage structurant et utile aux interstices résiduels, aux abords non utilisés qui, collectivement, coûtent cher en gestion et en entretien.

 

Dans les espaces ruraux, l’ambition est de recréer un investissement agricole possible pour chacun, grâce à des lieux de friction développant une agriculture plurielle qui ne repose pas uniquement sur des pratiques et des acteurs spécialisés et professionnels, mais améliore la polyvalence des espaces.
L’enjeu est tout simplement de parvenir à une métropole nourricière qui s’empare de sa ressource première, la qualité du sol sur laquelle elle est construite, en en reconnaissant sa valeur et ses potentialités agricoles.

RECREER DES SOLS Production d'une variété de 4000 plantes aromatiques en culture hydroponique sur les toits d'un hangar de la RATP, société Aéromates, Paris, 2017 @Pascal Xicluna / Min.Agri.Fr

RELIER POUR MIEUX NOURRIR

 

Pierre Janin, Architecte – Master 2 Philosophie, FABRIQUES Architectures Paysages, Architecte Conseil de l’Etat

 

L’usage agricole de l’espace des réseaux de communication métropolitains peut faire naître demain une cohérence territoriale nouvelle, fondée sur un principe de diffusion rhizomique et productif. Les abords d’autoroutes, les délaissés des routes et chemins, les quais et bordures de canaux,
les friches ferroviaires… représentent autant d’espaces et de corridors à investir et cultiver.

 

Des points de diffusion et de concentration d’une agriculture hybride, installés à l’intersection des flux, structureront ces nouveaux espaces agricoles. Pour rendre manifeste la présence relative à la gestion agricole des réseaux et de leurs espaces dédiés, le développement doit aussi être complété d’un système nomade assurant un statut identifiable aux acteurs agricoles itinérants : bergers métropolitains, pépini-éristes nomades ou transporteurs de compost.

 

En outre, la définition de nouveaux outils, espaces et machines spécifiques à l’exploitation des réseaux, pensés complémen-taires et modulables, doit engendrer des lieux éphémères singuliers et rendre lisible l’utilisation renouvelée des réseaux de transport.

ALIMENTER PAR LES COURS D'EAU Livraion de fruits et légumes par le bateau de l'association Marché sur l'eau, qui offre aux citadins la possibilité d'acheter en direct des produits frais cultivés en Ile-de-France. @Sylvain Gouraud

REINVENTER LES FERMES

 

Pierre Janin, Architecte – Master 2 Philosophie, FABRIQUES Architectures Paysages, Architecte Conseil de l’Etat

 

Les fermes franciliennes ponctuent l’espace agricole commun. Positionnées à distance des routes de grand passage, mais proches de chemins vicinaux et d’exploitation qui leur assuraient un lien avec l’espace agricole, elles traduisent une organisation rurale ancienne. Construites généralement par addition et agrégation de constructions composites, leurs structures premières typiques ont été complétées au fil des époques par des bâtis annexes. Ainsi, les corps de ferme actuels sont des ensembles composites plurifonctionnels, associant les lieux d’habitations et des locaux agricoles pour le stockage des denrées, des animaux et du matériel. Ce patrimoine agricole souvent peu considéré a été altéré et habillé par des écrans végétaux le dissimulant souvent dans le paysage francilien, rompant ainsi tout lien entre l’espace intérieur des fermes, leurs abords et les champs et cultures proches. Il en résulte aujourd’hui une sorte d’isolement des fermes.

 

 

L’évolution des pratiques agricoles, impliquant une diversi-fication des métiers et l’émergence de circuits courts entre producteurs et consommateurs, entraîne la création de fermes d’un nouveau type, plus ouvertes, plus polyvalentes et acceptant de mélanger activités agricoles et urbaines en un même lieu. Le développement de pratiques agricoles sur de nouveaux territoires encourage également la construction de fermes hybrides, véritables lieux partagés aux programmes multiples : accueil, formation, échanges culinaires, séminaires, vente, gîte… La considération et la redéfinition du programme de la ferme contemporaine sont au coeur de la question de l’urbanisme agricole. Car c’est depuis la ferme que s’engage la restructuration des centralités, ponctuant l’ensemble de l’espace agricole de nouvelles modalités d’appropriation.

 

INVENTER DES FERMES COLLECTIVES "Agrocité", site agricole et culturel, micro-ferme expérimentale, des jardins communautaires, des espaces pédagogiques et une série de dispositifs expérimentaux pour le chauffage, la collecte d'eau de pluie, la produciotn d'énergie solaire, l'horticulture hydroponique et la phytorémédiation. Unité expérimentale du réseau R-Urban, Colombes, @AAA 2014

CULTIVER DU BOIS

 

REI / REMAKE, Paul Jarquin, président-directeur général de REI Habitat, Hugo Christy, Directeur général de Remake

 

Par le processus de la photosynthèse, tout arbre « puise » en masse du CO2. Il libère de l’oxygène et garde le carbone stocké en lui. Chaque forêt agit ainsi comme un champ permettant de « récolter du carbone ». Exploiter nos forêts, c’est-à-dire cueillir les bois mûrs pour replanter de jeunes pousses, devient l’une des armes les plus efficaces à la portée des territoires pour combattre le réchauffement climatique.

 

 

Toute ville dense, quels que soient les efforts fournis en matière d’énergies renouvelables et de modes de vie vertueux, continuera à émettre du CO2. Pour atteindre la neutralité carbone, la ville de demain devra donc intégrer la forêt, ce puits de carbone, dans son équilibre. Autrement dit, collectivités, aménageurs et constructeurs devront planter, gérer et exploiter des forêts qui seront le miroir écologique des quartiers nouvellement réalisés ou en projet.
Selon un scénario optimiste, à l’horizon 2050, il faudrait ainsi 74 000 km2 de forêts pour compenser les émissions d’équiva-lents CO2 du Grand Paris. La constitution de nos forêts est une longue histoire : une déforestation jusqu’au milieu du XIXe siècle, puis une reprise de croissance, en surface au sol et en masse de bois produite, jusqu’à aujourd’hui. Au point que les forêts françaises, y compris celles d’Île-de-France, ont rarement été aussi étendues et riches en bois qu’en ce début de XXIe siècle.

 

Paradoxalement, alors que la ressource n’a jamais été aussi abondante, la forêt est sous-exploitée. Dans ces conditions, que faire du bois que l’on pourrait massivement en extraire ?

 

CONSTRUIRE EN BOIS Brock Commons Tallwood House, résidence universitaire, tour de 18 niveaux de 54m de haut, University of British Columbia, Vancouver / Acton Ostry Architectes Inc., architecte : Architekten Hermann Kaufmann ZT GmbH, @www.naturallywood.com / FII

AVEC LES RESTES, PRODUIRE

 

XAVIER LAUREAU, Agriculteur et entrepreneur

 

Afin de réduire notre impact sur l’environnement, de construire des projets durables, l’agriculture urbaine agit ! C’est une filière concrète de recyclage des urines, déchets de cantine, déchets verts, du marc de café, etc.
La production d’urine d’une personne (1 à 2 litres par jour), diluée (1 litre d’urine pour 20 litres d’eau), épandue toutes les trois semaines comme engrais avec l’arrosage – ce type d’arrosage devant être interrompu un mois avant la consommation des fruits et légumes –, peut servir d’engrais naturel pour nos plantations. Une collecte différenciée dès la source des toilettes est à mettre en oeuvre, nos voisins suisses et suédois expérimentant déjà avec succès ces innovations.

 

 

À l’autre extrémité de la chaîne de consommation, les 600 000 tonnes de marc de café produites en France chaque année peuvent être partiellement récupérées par une collecte sélective dans les grandes villes, notamment auprès des lieux de restauration.

 

Chacun peut être acteur du compostage urbain. La réutilisation des fumiers produits par les animaux, mélange de paille et d’excréments, est systématique dans le cadre des amendements maraîchers. Les fumiers d’élevage sont traditionnellement épandus en plein champ ou utilisés selon des techniques anciennes de couches de cultures.

 

Grâce aux cloches de verre et à la production sous abri, une même surface maraîchère peut accueillir quatre à six cycles de cultures de légumes.
Tout ce qui est réalisable à l’échelle d’une ferme l’est aussi à l’échelle plus modeste d’une maison, grâce à de mini-compositeurs domestiques. Les déchets verts issus des épluchures de légumes sont mis dans ce composteur qui, une fois rempli, peut être vidé dans un collecteur collectif ou répandu dans son propre jardin. Le compost arrivé à maturation est ainsi utilisé par les professionnels de l’agriculture urbaine ou individuellement.

 

De façon plus industrielle, la récupération de l’énergie perdue (l’énergie fatale) des centres de traitement d’ordures ména-gères, des nouveaux data centers et des stations d’épuration peut alimenter des serres de maraîchage qui produisent des légumes hors-sol. Produire plus, produire mieux, produire en cycle et en circuit court: les nouveaux enjeux de l’agriculture urbaine s’imposent à chacun d’entre nous.

REPARER LES SOLS POLLUES EN LES CULTIVANT Culture de fraises sur jardins suspendus installés sur le site d'une ancienne décharge. Saint-Cyr-l'Ecole 2018. Les jardins de Gally Concepteur, @les jardins de Gally

CULTIVER LE CIEL

 

Olivier Darné, Plasticien et gardien d’abeilles, Fondateur du Parti Poétique.

 

Depuis 80 millions d’années que les abeilles habitent le ciel et la terre, elles récoltent et concentrent dans leur miel, sur un rayon d’environ 3 kilomètres, toutes les géographies et les saisons du monde. 3 000 hectares de paysage se trouvent ainsi condensés en un point et un pot de miel.

 

Considérez à présent un tout bâti, une entité dense et intense : une ville. Minéralisation urbaine telle que nous l’observons depuis notre point de vue placé à environ 1,75 mètre du sol. Imaginez alors ce que les abeilles voient de cette topographie depuis un point haut, le ciel. Une mosaïque apparaît, un kaléidoscope, entrelacs bâti de projets contigus et imbriqués dans leurs époques et leurs géographies. Et, entre chaque entité bâtie, une bande, un retrait, une cour, une haie, un délaissé urbain, une friche, un jardin, une micro-oasis végétale. Un miel.
Comme autant de « lieux ressources », ici à la jonction de la contrainte et de l’opportunité, l’abeille urbaine fait, à partir du « vide » bâti, un « plein » pot de miel, un miel urbain, un miel humain. Espace involontaire qui produit un « indéfini » nécessaire, frange productrice de liens, telle la marge qui tient la feuille, la métropole pollinisée est là dans un éloge de la complexité, des diversités, de la biodiversité culturelle et urbaine.

 

« Cultiver le ciel » consiste alors, grâce aux abeilles, à cultiver ce « bout à bout » d’inaccessible. En créant une possibilité de cultiver et de récolter la cité, les abeilles produisent un miel depuis l’indéfini du subjectif urbain. Elles font du miel avec du ciel, et récoltent une partie d’humanité depuis l’urbanité. Une abeille qui va bien est une abeille qui fait son miel.

 

Un territoire « en pleine santé » a pour caractéristique, par sa diversité et sa complexité, de proposer une ressource suffisamment généreuse pour que l’abeille y produise un butin. Il n’y a aujourd’hui aucune raison de se réjouir de faire du miel en ville lorsque les abeilles disparaissent de nos campagnes. La ville ne peut être pensée comme un « sanctuaire » de biodiversité tandis que, dans nos campagnes, meurent les sols, les forêts, les champs et la diversité du monde.

 

Le chantier à construire est intellectuel, pragmatique et géographique. Suivant cette posture, il ne s’agit plus seulement de construire « un monde à soi », tel un écosystème urbain « hors-champ », mais de le relier aux autres mondes, ceux de la politique agricole, du paysage rural, forestier, périurbain… Un ensemble d’horizons et de questions auxquels nous sommes attachés culturellement, économiquement, socialement. Lier et relier les consciences et les interdépendances est à n’en pas douter le chantier à mener. Assumer le lien que nous construisons entre la qualité de nos assiettes et la qualité de nos paysages alimentaires, se questionner, être sensible, attentif et vivant : être « en relation ».

ELEVER DES REINES AU COEUR DES VILLES La galerie, sortie du Pollinisateur urbain, Noisy-le-Sec, 2007 @Olivier Darné

CULTIVER LA NATURE

 

FLORENT YVERT, Écologue

 

Aborder la question de la biodiversité implique une réflexion sur notre culture de la nature, fondée sur les notions de danger ou de contrainte. La ville tourne le dos à la nature, s’en affranchit, tandis que la campagne tend à la maîtriser ou à la ranger dans des espaces dédiés. L’histoire récente de l’aménagement du territoire a induit une modification profonde de la plaine francilienne ; de sa géographie, de ses sols, de ses paysages et, en corollaire, des types de milieux naturels. Ajoutons à cela un effet pervers de la surabondance d’éléments nutritifs, azote et phosphore, présents dans les sols, dans l’eau et, dans une moindre mesure, sous forme d’aérosol. Ce surplus de nutriments limite paradoxalement l’expression de la diversité végétale naturelle par la sélection d’espèces particulièrement résistantes ou adaptées. Ce phénomène dit d’« eutrophisation » entraîne une uniformisation, voire une banalisation des végétations et, par extension, des milieux qui composent notre paysage. En définitive, les milieux les plus riches du point de vue de la biodiversité sont avant tout les plus pauvres d’un point de vue agronomique.

 

 

Si la reconquête de la nature, notamment par le métier d’agriculteur, apparaît désormais nécessaire, elle se heurte donc à cet existant profondément bouleversé. L’adage veut que la nature reprenne ses droits. Ceci est vrai en théorie mais seulement sur un temps très long et en l’absence des phénomènes qui contraignent son évolution spontanée : l’usage intensif du sol et la surabondance de nutriments, l’urbanisation. Or, ce temps long n’est pas celui de l’urgence à laquelle nous faisons face. L’enjeu est de restaurer, de recréer et de valoriser nos patrimoines naturels dits « communs », agricoles ou urbains. Alors comment refaire de la nature ? S’agit-il simplement de paysager des espaces, d’associer diverses plantes dans de la terre végétale ? Les interactions entre les êtres vivants sont une des bases fondamentales de la notion de biodiversité. Il faut donc privilégier les relations complexes qui existent entre le sol et la végétation, et entre la végétation et la faune. Quand bien même l’infinie variété de toutes ces interactions nous échappe, nous savons que des mécanismes de reconnaissance entre les compartiments du vivant existent : l’association entre une plante et ses insectes pollinisateurs en est l’exemple le plus évident. Ce protocole de reconnaissance est déterminé par le code génétique des espèces en interaction. Or, la production horticole a précisément pour but de simplifier le patrimoine génétique en vue de sélectionner des formes végétales conformes à nos attentes esthétiques, ou productives. Cette rationalisation fausse l’expression des caractères et ainsi ne garantit en aucun cas les codes de la reconnaissance.

 

 

Voilà un beau chantier : recréer des sols, produire et utiliser des espèces sauvages pour végétaliser nos espaces communs et ainsi permettre l’expression d’une dynamique naturelle. Notre science de l’agriculture se met au service de la production d’espèces, dont l’objet n’est pas la nutrition humaine, mais la végétalisation des éléments de notre patrimoine : les haies, les fossés, les bords de route, les parcs urbains, les terrasses…

CHANGER LA REGLE

La révélation du passé laisse entrevoir que l’agglomération parisienne, si elle est partout cultivée selon les méthodes de l’agroécologie et sous l’élan technique de nouveaux spécialistes, peut offrir un cadre de vie qui redonne de l’attrait à de nombreux territoires en déprise.

 

Oui, l’espace existant est suffisant pour répondre à la demande alimentaire de la capitale ! Son patrimoine agricole permet d’instaurer de nouveaux liens entre la ville et les champs en structurant production, transformation, vente, pédagogie, mais aussi culture et civilité pour une répartition plus équitable des richesses. Les fermes d’aujourd’hui et de demain, dont il faut réinventer l’architecture et la programmation, sont les « portes d’entrée » de cette mutation urbaine.
À cette fin, les règles doivent évoluer :
1- Face à l’urbanisation aveugle, corréler valeur foncière et valeur agronomique des sols.
2- Relier pratique et recherche, mobiliser les moyens techniques et promouvoir les connaissances nécessaires à la création de filières agricoles métropolitaines et pallier ainsi la pénibilité ancestrale du travail et le désamour du métier.
3- En finir collectivement et définitivement avec l’héritage moderne qui dissocie une Nature conçue comme un lieu de jouissance et de liberté et une Agriculture conçue comme un espace laborieux dédié à la seule production.
4- Convaincre les décideurs de la ville d’intégrer le temps long des saisons agricoles pour qu’advienne enfin une politique Urbaine-Agricole.
5- Entreprendre une réforme agraire et urbaine capable d’entraîner un dézonage territorial pour encadrer l’habitat agricole dans les espaces cultivés et toute forme de culture en ville.

 

Le capital régional commun de demain sera largement agricole.

 

Augustin Rosenstiehl / SOA

Avec la participation de :
Sabine Barles, professeure en urbanisme et aménagement, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, UMR Géographie
– Cités, équipe CRIA
Marie-Hélène et Damien Bignon / Ferme des Beurreries
Matthieu Calame, agronome, directeur de la fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme
Théophile Champagnat et Jean Noël Gerz / Cycloponics
Arnaud Charpentier / Gatichanvre
Laurent Chatelain / Pépinières Chatelain
Hugo Christy, directeur général de Remake
Jeanne Crombez et Franck Ponthier / La ferme urbaine de Saint-Denis
Olivier Darné, plasticien et gardien d’abeilles, fondateur du Parti Poétique
Michel Desvigne, paysagiste
Julie-Lou Dubreuilh, Guillaume Leterrier, Pauline Maraninchi / Clinamen & Bergers urbains
Fabien Esculier, chercheur à l’École des Ponts ParisTech au Laboratoire Eau, Environnement et Systèmes urbains
Sylvain Gouraud, artiste
Pierre Janin, architecte – Master 2 Philosophie – Fabriques Architectures Paysages, Architecte Conseil de l’État
Paul Jarquin, président-directeur général de REI Habitat
Yann Kebbi, dessinateur
Nadine Lahoud / Veni Verdi
Xavier Laureau, agriculteur et entrepreneur
Michel Lussault, géographe, professeur à l’université de Lyon, École Normale supérieure de Lyon. Directeur de l’École urbaine de Lyon
Sébastien Marot, philosophe
Catherine Maumi, professeur en histoire et cultures architecturales, Université Grenoble Alpes, ENSAG, MHAevt
Constantin Petcou et Doina Petrescu, atelier d’architecture autogérée
Monique Poulot, géographe, Université Paris Nanterre, UMR CNRS LAVUE
Florent Sebban et Sylvie Guillot / Ferme Sapousse
Martin Vanier, professeur de géographie à l’École d’urbanisme de Paris
Florent Yvert, écologue