SOA Architectes : Architecture et Urbanisme Agricole

Emmaüs

Du baron à l'abbé

93 rue de Clignancourt, Paris 18

Livraison 2024

Emmaüs

Du baron à l'abbé

93 rue de Clignancourt, Paris 18

Livraison 2024

Programme

Construction de 44 logements foyer et une salle de vente

MOA

EMMAÜS Habitat

MOE

SOA (mandataire), SIBAT (BET), ORFEA (acoustique)

Bugdet

3,2 M€HT

SDP

1230 m²

Qualités &
Performances

Plan climat ville de Paris, label E2C1, NF Habitat HQE

Mission

Complète

L’histoire mystérieuse d’une pièce manquante :

Les quatre îlots de la rue Eugène Süe et de la rue Simart marquent sans aucun doute la plus grande figure haussmannien de Paris. Ce quadruple îlot qui porte le nom « d’opération de Clignancourt », a été constitué en 1880 à l’initiative de l’architecte Paul-Casimir Fouquiau qui prit une part importante dans les opérations immobilières menées à Paris à la fin du XIXème siècle.

Ce grand projet permet alors de loger à bon marché près de mille ouvriers, s’efforçant de démontrer la capacité de la libre entreprise à procurer un logement aux plus modestes. Les immeubles de cinq étages, plus un étage sous comble, ayant tous été bâtis d’après les plans fournis par l’agence de Fouquiau, le lotissement est totalement homogène. On peut cependant distinguer une demi-douzaine de compositions-type de façade qui alternent de façon régulière le long des voies du lotissement. L’ensemble des parcelles est acquise par la société, à l’exception de la parcelle du projet qui appartient à la commune de Paris. Au tournant du siècle, le terrain est bâti pour un modeste hôtel de 35 chambres, « l’Hotel du quartier neuf ».

Les immeubles du lotissement sont bâtis en pierres massives à longueur libre, contrairement aux immeubles les plus prestigieux, où l’ensemble des pierres est appareillé selon les lignes régulières des ornementations sculptées. Ici, les pierres sont taillées à l’économie, l’appareillage est libre et l’ornementation prévaut sur la lecture de l’ensemble. L’enjeu est de fondre le calepinage irrégulier des pierres dans le dessin géométrique des bossages, colonnes et demi-colonnes, pilastres, chapiteaux, encadrements et corniches.

Une interprétation contemporaine de l’élégance Haussmannienne :

La sobriété qui émane de l’établissement Emmaüs et les objectifs de la ville de Paris en matière de construction écologique ont conduit notre choix vers un travail d’interprétation de l’immeuble haussmannien dans une version minimale et frugale. Cette démarche s’inscrit dans une approche ou l’économie de ressource dépasse le stade de performance pour devenir une expression architecturale nouvelle.
Le renouvellement de la pierre massive parmi les matériaux d’avenir pose la question de la capacité de cette ressource à permettre le renouvellement du langage architectural contemporain. Nombre d’opérations récentes se sont engagées dans un travail de la pierre qui s’approche à bien des égards des dispositifs de préfabrication en béton, cherchant de larges baies et visant à mettre en avant l’appareillage de pierres sculptées dans une forme de stéréotomie élémentaire. La lecture des appareillages et l’élargissement au maximum des baies étant déjà un processus que l’on verra largement se développer dans les beaux quartiers de l’ouest parisien après-guerre, en particulier le long de la rive droite.

A la tendance actuelle d’un élargissement des baies s’opposent d’une part les propriétés mécaniques de la pierre massive et l’énergie nécessaire pour produire et transporter des grandes pièces et d’autre part, dans le contexte du projet, les quelques 5000 baies qui composent les 4 îlots Clignancourt et qui sont de même dimension, à quatre centimètres près.
À la volonté d’une expression de l’appareillage des pierres s’oppose d’une part le coût du sciage non libre qui en découle et d’autre part, dans le contexte du projet, l’effort général déployé pour faire passer au second plan la lecture de pierres derrière la composition ornementale des façades.

Ces réflexions nous conduisent à composer le projet à partir de pierres franciliennes, tendres, de petit format et sciées à longueur libre. Cette base simple et parfaitement optimisée, composée selon le principe élémentaire de l’îlot devient alors le support d’une expression du langage ornemental haussmannien ramené à une interprétation minimale par un jeu de simple d’engravures à la scie : engravures horizontales pour les bossages bas, verticales pour les dispositifs du corps. Les proportions des lignes et espacements des engravures permettent une restitution à la fois fidèle et abstraite de l’ensemble des mesures de la façade haussmannienne type de l’îlot Clignancourt.
Les menuiseries conservent proportions et matérialité mais gagnent en apport lumineux par l’absence de recoupement. Les gardes corps, éléments haussmanniens complexes aux lignes courbes végétales sont ramenées aux deux directions diagonales d’une simple maille métallique. La porte d’entrée, comme la façade, reprend par de simples jointures, les lignes de composition.
Enfin, la devanture du commerce est ramenée dans sa forme la plus abstraite avec un traitement de pans de verre collés immédiatement rapportés au contact de la pierre.

Structure bois et béton de chanvre :
Le bâtiment est entièrement conçu en structure bois combinant poteaux bois et planchers CLT avec chape sèche sur granules. Le mur de pierre est doublé en laine de bois et le mur sur cour est une ossature bois et béton de chanvre (26cm) avec un enduit chaux-sable.

Une toiture pour nos colocataires non-humains :
Au delà du balcon filant du cinquième étage, le couronnement de l’immeuble est réinterprété par deux retraits successifs qui remplacent brisis et terrassons. Ainsi le traditionnel toit en zinc laisse place à une toiture plate et à une architecture spécifiquement dédiée à la biodiversité. La richesse spatiale est le premier facteur de biodiversité et la simplification des espaces la première cause de sa diminution. L’architecture de poutres entrecroisées partiellement remplies de terre végétale ordinaire permettra en effet à un grand nombre d’espèces de plantes et de petits organismes qui y nichent de se développer, dans les recoins, à l’abri, ou au contraire en plein soleil.

Une architecture intérieure dédiée aux usagers :
Le projet est pensé pour offrir les meilleurs outils possibles aux membres de la communauté Emmaüs et leur permettre ainsi de s’adapter à des situations diverses de manière efficace et pratique. Un plan flexible et des dispositifs accompagnent le bon fonctionnement quotidien. Les matériaux et la disposition des espaces et des équipements techniques sont pensés pour alléger au maximum l’entretien des locaux.

La boutique :
Le RDC propose des volumes polyvalents articulés autour d’un noyau central.
L’espace de vente conçu pour être à la fois le plus grand possible et traversant. Son aménagement est facilité par un minimum d’éléments structurels. Il offre une vitrine généreuse sur la rue.

Les communs :
Dans les étages, l’environnement se veut avant tout pratique et convivial pour les Compagnons, et les personnes de passage. Les locaux communs sont principalement implantés au premier étage et regroupés selon leurs usages : repas/salon/laverie, cuisine/réserve/ économat, chambre de passage/sanitaire. La grande salle pour prendre les repas est le lieu principal de rencontre et d’échange entre les Compagnons. Comme la salle de vente du RDC, la salle commune est elle aussi traversante, entre la rue et la cour, afin d’offrir une richesse d’ensoleillements et une meilleure ventilation naturelle.

Les logements :
Les logements s’organisent autour d’une circulation centrale éclairée naturellement et dessert huit habitations de surfaces équivalentes dont une accessible aux personnes à mobilité réduite, plus grand.
De manière générale, les pièces humides s’implantent autour du noyau de circulation pour laisser se dérouler les pièces de vie sur la façade. L’ensemble des logements profite d’une salle d’eau et d’un placard intégré.